Découvrez Simon Philippo, géologue et minéralogiste du MNHNL

Simon Philippo, géologue et minéralogiste au MNHNL, nous inspire avec son travail extrêmement prolifique.

Découvrez son parcours dans notre nouvelle interview.

Nous avons le plaisir de présenter Simon Philippo, minéralogiste passionné et expert au Musée national d’histoire naturelle Luxembourg.

 

Depuis trois décennies, Simon étudie avec minutie les richesses minérales du Luxembourg et au-delà. Son travail améliore notre compréhension de la composition et de l’histoire de la Terre.

 

Dans cette interview, il nous dévoile son parcours, sa recherche ainsi que son regard sur les évolutions futures de la minéralogie.

Quelle est la teneur du métier de minéralogiste ?

La minéralogie est une branche de la géologie. Plus précisément, c’est l’étude de tout ce qui tourne autour de la Terre et de la structure de la Terre. Les minéraux sont des objets naturels dont la composition chimique et l’arrangement atomique sont uniques : c’est la définition du cristal.

 

Les minéralogistes étudient leur agencement, leur regroupement (appelé paragenèse) et cela fournit des informations sur l’histoire de la Terre et sur des applications dans la vie courante.

 

Quelles sont les applications concrètes de la minéralogie ?

Les minéraux ou dérivés sont ubiquitaires : les objets en métal par exemple, sont des minéraux transformés ; le sel de cuisine ; la céramique ; les téléphones, dont nombre d’éléments sont dérivés des minéraux ; les batteries au lithium… Les minéraux trouvent en réalité de plus en plus d’applications, notamment dans le domaine de la transition énergétique. Nous avons besoin d’éléments chimiques supplémentaires, et pour les trouver, il faut étudier les minéraux qui les contiennent.

 

Depuis un an, un ambitieux programme européen a vu le jour, le Critical Raw Materials Act (cf. Infobox). Il est la suite logique de la transition énergétique et doit permettre de trouver nos propres ressources en Europe. C’est une grande chance pour la minéralogie. Un tel projet facilite l’étude de nos sous-sols, grâce aux points de forage qui permettent une analyse en profondeur. En dessous de 100 à 200 m de profondeur, nos sous-sols sont assez mal connus.

 

Ce projet va également renforcer nos collaborations avec des équipes de recherche internationales européennes, et améliorer l’application des règles environnementales par rapport à des gisements exploités dans certains pays.

En tant que géologue, quelle est la particularité du Luxembourg ?

La diversité des terrains et des sols au Grand-Duché est un peu comme sa diversité culturelle. C’est un véritable carrefour, tant au niveau des langues, des connaissances, des manières de vivre que de la géologie ! La partie Nord (Éislek), une continuité des Ardennes et de la Rhénanie palatine, est un énorme massif schisteux. Le Gutland avec la Minette est essentiellement une série de formations en lien avec le bassin de Paris. Tout est interconnecté. La géologie n’a pas de frontières.

 

Comment es-tu devenu conservateur au MNHNL ? Quel a été ton parcours ?

J’ai été scolarisé dans un collège catholique, puis j’ai étudié la géologie aux universités de Namur et de Louvain-la-Neuve. Pour le côté pratique, j’ai eu la chance de rencontrer des collectionneur·euse·s de minéraux avec lesquels j’ai passé beaucoup de temps. J’ai ensuite travaillé comme ouvrier agricole.

 

Des amis collectionneurs m’ont alors demandé d’être le superviseur scientifique d’une grande exposition de minéraux près de Namur. L’ancien directeur du MNHNL est venu la visiter ; il terminait la rénovation complète du musée et était à la recherche d’une première exposition temporaire. Cela a constitué mon premier travail au MNHNL.

 

Qu’est-ce qui t’a donné envie de devenir géologue ?

C’est une passion de très longue date. J’ai toujours aimé observer la nature. La première chose qui m’a inspiré est la récolte de petits cailloux quand j’étais enfant : j’allais dans les carrières ou en montagne et je ramassais des échantillons. J’ai également eu la chance d’avoir un professeur au lycée qui donnait des cours de géologie passionnants.

 

À quoi ressemble le quotidien sur le terrain ?

C’est un travail de détective. Il s’agit de poser des questions pertinentes, puis de chercher des éléments de réponse et de les combiner afin de trouver une solution intéressante.

Analyser les échantillons récoltés sur le terrain, rédiger des rapports ou des publications, cela prend plusieurs mois. Le travail se partage entre l’aspect très agréable du terrain et l’aspect du laboratoire et de la rédaction. Il y a également de l’administratif, bien sûr : gestion du personnel, du budget, des collections…

 

Grâce à des donations très importantes, nous avons actuellement 45 000 échantillons de minéraux au musée ! Tous ces échantillons doivent être rangés, étiquetés, encodés, préservés, analysés. C’est ce que j’appelle le home-mining (« extraction à domicile ») : l’étude des minéraux déjà répertoriés. Les musées jouent un rôle important de protection. Les échantillons doivent être préservés afin qu’ils ne se détériorent pas, car certains ne se trouvent plus dans leurs environnements naturels. Or, chaque échantillon peut servir pour des analyses futures. C’est une grande bibliothèque qui ne demande qu’à être étudiée.

Et pour finir, nous avons plusieurs projets internationaux au Brésil, en Mozambique, au Congo, etc.

 

Tu reviens tout juste du Brésil : peux-tu nous parler de ce projet ?

Notre mission, avec ma collègue Kim Totaro, s’est déroulée au Nord-Est du Brésil, à 300km des côtes, dans une zone connue comme étant très riche en pegmatite. C’est une roche proche du granite, contenant des minéraux de grande taille, dont certains sont très rares.

 

Il y avait trois raisons à ce projet : premièrement, il s’agit d’une collaboration avec le Professeur João Adauto de Sousa Neto de l’université de Recife. Ensemble, nous étudions ces gisements de pegmatite dans le cadre d’un projet du FNR brésilien.

La deuxième raison est le projet de recherche de ma collègue, Kim Totaro. Son travail s’intéresse à un groupe de minéraux appelé les phosphates de roches magmatiques. Ces minéraux, difficiles à étudier, recèlent toute l’histoire de la genèse de la roche. Kim utilise pour cela des échantillons de notre collection du Brésil, riche d’environ 15 000 spécimens, qu’elle vient compléter avec les échantillons collectés sur place.

 

Et finalement, je suis allé au Brésil afin de poursuivre mes propres projets de recherche : je travaille sur des minéraux rares qui vont se trouver de manière ponctuelle dans certaines pegmatites. Ces minéraux offrent toute une série d’informations sur la genèse de la roche.

 

Le MNHNL a déjà découvert deux nouveaux holotypes au Brésil (cf. Infobox).

Si tu avais des fonds de recherche illimités, comment les utiliserais-tu ?

J’organiserais une levée de candidat·e·s chercheur·euse·s pour le home-mining, c’est-à-dire pour l’étude de nos collections. Il faut savoir que lorsqu’une mine ferme, l’accès aux échantillons est perdu, hormis dans les collections. Leur étude permet alors de découvrir de nouvelles espèces : trois ont ainsi été découvertes dans nos collections ces dernières années. Au MNHNL, il y a du travail pour des générations entières de chercheur·euse·s !

Dans le futur, les moyens analytiques à notre disposition vont encore évoluer. Certains échantillons ne peuvent pas encore être étudiés en détail, car leur structure est trop petite ou complexe. Bientôt, ce sera possible.

 

Quelle découverte t’a fasciné le plus ?

La Luxembourgite. C’est la première nouvelle espèce qui a été trouvée au Luxembourg. La Luxembourgite est un minéral assez exotique dans sa composition chimique : elle contient de l’argent, du plomb, du cuivre, du bismuth et du sélénium, mais pas de souffre. Cela la rend très particulière.

La Luxembourgite a été trouvée à proximité de l’ancienne mine de cuivre de Stolzembourg, près de Vianden. Elle est composée de microfibres d’une longueur de 150 microns environ et d’une épaisseur de quelques dizaines de microns seulement, assemblées en géodes. Cet aspect particulier a rendu son étude longue et complexe, nécessitant une collaboration internationale avec l’aide de machines de pointe.

Découverte en 2015, la Luxembourgite a finalement été validée par l’IMA en 2018. Elle a depuis été retrouvée ailleurs dans le monde, notamment dans les Vosges, en Bolivie et en Allemagne.

(NDLR : La Luxembourgite est un minéral rare. Il s’agit d’un sulfosel complexe. Un sulfosel est un type de minéral composé de soufre, de métal et d’éléments semi-métalliques tels que l’antimoine, l’arsenic ou le bismuth. La Luxembourgite se caractérise par sa couleur souvent gris métallique et sa cristallisation en fines aiguilles fibreuses.)

Quels conseils donnerais-tu aux futurs jeunes scientifiques ?

Suivez votre passion, même si des voix essaient de vous en décourager. Si vous y croyez au fond de vous-même, alors il faut persévérer.

 

Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

Le MNHNL est un musée émergeant pour les sciences de la Terre. Nous sommes régulièrement invités aux plus grandes expositions d’Europe pour exposer nos échantillons. Le travail des scientifiques paie et nous avons de plus en plus de visibilité à l’international.

 

Interview : Diane Bertel

Éditrices : Monique Kirsch, Selma Weber